De l’ éducation aux médias à l’éducation parentale, par un professionnel de l’information
24 avril 2018 Laisser un commentaire
Se présenter comme un consultant et formateur en communication écrite et veille stratégique peut parfois susciter plus d’interrogations que de compréhension, et c’est donc très souvent que j’explique mes métiers en précisant que je suis un professionnel de l’information. Pour les entreprises, les collectivités et les associations, les applications de mes compétences sont au final assez simples à expliquer : un accès accéléré et simplifié à des informations utiles et des prises de paroles efficaces sur les supports de communication qui sont les leurs.
Mon parcours m’a amené il y a déjà une quinzaine d’année à travailler avec et pour l’association lyonnaise d’éducation aux médias Fréquence Ecoles, qui intervient désormais dans toute la région Auvergne Rhône-Alpes, quand ce n’est pas au-delà. En déblayant il y maintenant plus de 20 ans l’immense chantier de l’éducation aux médias alors que très peu de personnes avaient à ce moment conscience de l’importance de l’exercice, Fréquence Ecoles est devenue une structure référente en France et en Europe.
Jusque récemment, mes interventions concernaient essentiellement la conception et l’animation de séances et d’ateliers dédiés aux médias sociaux, à la création de contenus rédactionnels et aux différents usages que font les acteurs de l’Internet des données que nous leurs fournissons plus ou moins consciemment.
Tour d’Auvergne Rhône-Alpes de l’éducation parentale aux écrans
En plus des élèves, des professeurs et animateurs de tous genres, c’est auprès de parents que les intervenants de Fréquence Ecoles mènent depuis plusieurs années, et plusieurs mois en ce qui me concerne, un véritable tour d’Auvergne Rhône-Alpes de l’éducation aux médias.
Du moins le pensais-je, jusqu’à ce que le subtil Directeur du Collège de la Tourette, dans le 1er arrondissement de Lyon, ne vienne me voir en fin d’intervention pour se féliciter des deux heures d’éducation parentale auxquelles il venait d’assister. Éducation parentale ? Je n’aurais pour ma part jamais songé à intituler ainsi les échanges autour des écrans, des enfants et des parents que j’ai la charge d’animer.
Et pourtant…
Des quartiers de banlieue lyonnaise aux collèges et lycées de centre-ville en passant par les communes rurales, les craintes, idées reçues et approximations sont quasiment les mêmes. J’ai en effet été étonné de constater que même parmi les parents les plus « connectés », leurs compétences personnelles ou professionnelles ne les rendaient pas beaucoup plus aptes à encadrer les usages d’Internet de leurs enfants. Et donc, bien que le terme m’ait semblé dans un premier temps un peu grandiloquent et inadapté (je suis un professionnel de l’information, pas un papa professionnel !), j’en suis venu à considérer qu’effectivement, je faisais de l’éducation parentale, et que cela pouvait être plutôt utile et efficace.
Le premier point commun à tous les participants à ces conférences / débats, outre qu’ils sont par définition les plus sensibilisés à la question puisqu’ils sont présents, c’est qu’ils ont oublié ce que c’était d’être jeune. Ou qu’ils considèrent que la société a tellement changé que leurs usages passés n’ont aucun rapport avec ceux de leur progéniture.
Des outils qui changent mais des usages qui perdurent
C’est donc le premier élément important que je tente systématiquement de leur transmettre : si les outils ont changé, les besoins et les attentes des enfants et adolescents sont assez proches de ceux de leurs parents lorsqu’ils avaient leur âge. Et il est toujours utile pour évaluer une situation impliquant des enfants et des écrans de tenter de la transposer dans le monde d’avant les smartphones et snapchat.
- ils sont collés à leur smarthone <> nous passion deux heures au téléphone chaque soir à parler à des amis que nous avions côtoyé toute la journée ;
- ils ingurgitent de la télé-réalité <> nous ne rations aucun épisode d’Hélène et les Garçons ;
- ils jouent à des jeux vidéo <> nous jouions à des jeux vidéo (ou électroniques pour les plus anciens) ;
- ils imitent les stars d’Instagram <> nous singions les stars des clips…
Quelle est donc la différence entre leurs usages et les nôtres ? Les outils, de façon quasiment exclusive. Ces smartphones, tablettes et consoles que les parents en viennent à rendre responsables de tous leurs maux, avant que je ne me fasse un plaisir de leur rappeler qu’ils sont ceux qui en ont équipés leurs enfants. Il est toujours intéressant de constater que ces adultes, probablement majoritairement fiers de leurs capacités à prendre leurs propres décisions, sont prompts à souligner le poids de la société de consommation, les suppliques de leurs enfants et la pression qu’exercent sur eux leurs camarades pour justifier de les équiper de smartphones dès leur entrée au collège (plus tôt pour certains !).
Une fois posé le fait qu’il est assez hypocrite de se plaindre que leurs enfants utilisent les outils qu’ils leur ont eux-mêmes mis entre les mains, il est temps d’aborder le second point important.
Le prétendu 6ème sens des digital-natives
De très nombreux parents considèrent que leurs enfants sont de facto plus compétents qu’eux en ce qui concerne les nouvelles technologies en général et les médias sociaux. Que ce soit parcequ’eux-mêmes ne les maîtrisent pas ou parcequ’ils ne s’y intéressent pas, c’est leur argument pour réclamer pêle-même :
- que l’école fasse le boulot ;
- que les plateformes soient plus surveillées et régentées ;
- que des plateformes spécifiques aux jeunes soient développées (et accessibles gratuitement mais sans utilisation des données, parcequ’on va pas payer pour ça, non plus…)
Ces demandes reposent sur une série d’erreurs, dont les principales concernent la tendance à surévaluer les compétences des jeunes et à sous-évaluer les compétences des parents, qui agissent ainsi soit par humilité excessive, soit par paresse.
Comme je l’explique très régulièrement, les capacités d’auto-diagnostic des jeunes sont très mauvaises, et un élève de collège qui sait ouvrir un logiciel de traitement de texte, créer un nouveau document, l’enregistrer et le retrouver le lendemain s’auto-évaluera « expert » du-dit logiciel, quand son parent qui sait faire la même chose a conscience de ne maîtriser qu’une infime partie des possibilités offertes par l’outil.
En outre, les jeunes n’ont pas d’appréhension à utiliser un terminal informatique, quant un adulte qui en connaît le prix et la complexité hésitera beaucoup plus. Mais l’absence apparente de craintes des jeunes ne doit pas être confondue avec une maîtrise des outils, il suffit de parler avec eux quelques instants du fonctionnement d’internet ou d’un outil informatique pour s’en rendre compte.
La seconde erreur est la prétendue absence de compétences des parents, qui confondent les technologies (complexes) qu’utilisent leurs enfants et les usages (simples) qu’ils en ont. Rares sont les adolescents qui comprennent effectivement comment fonctionne Snapchat, qu’ils sont pourtant une majorité à utiliser dès l’âge de 13 ans (dans le meilleur des cas). Le parent qui ne sait pas plus que ses enfants comment fonctionne ce media social se sent donc dans l’incapacité d’accompagner les usages. Et pourtant, point n’est besoin de connaître l’algorithme ou le système de stockage de Snapchat pour aider un jeune à choisir une photo de profil valorisante et correcte ou pour faire le tri dans ce qui peut y être partagé et ce qui ne devrait pas l’être.
Les compétences primordiales pour un usage intelligent d’Internet et de médias sociaux comme Snapchat, Instagram ou autres, sont comportementales, et non techniques. Et par définition, dans ce domaine, les parents sont toujours plus compétents que leurs rejetons.
Plus compétents, à condition bien évidemment qu’ils acceptent de s’y interesser, qu’ils comprennent que les bijoux de technologies qu’ils fournissent à leurs enfants pour pouvoir les contacter à tous moments ne sont pas livrés avec un mode d’emploi, et que c’est à eux de leur transmettre les bases d’un comportement acceptable en société, que les interactions soient physiques ou en ligne.
Une fois celà dit, il reste encore souvent à expliciter le façon dont un adulte, imaginons-le aussi inintéressé et incompétent dans ces domaines que possible, peut effectivement accompagner les usages numériques de ses enfants.
Une posture active et la capacité à échanger sur les usages
Pour un parent qui souhaite encadrer les usages numériques de ses enfants, la première priorité devrait être de s’assurer qu’ils savent effectivement ce qu’ils veulent faire et qu’ils soient capable de le trouver.
De nombreux parents se plaignent du temps passé par leurs enfants sur Youtube, ou des contenus sur lesquels ils peuvent tomber au détour d’une recommandation algorithmique. Il faut bien comprendre que Youtube n’a pas de contenu-type : on y trouve le meilleur (des tutos, des clips de musique de qualité, des courts-métrages, etc..) et le pire (des vidéos propagandistes, des clips de jingles commerciaux sexistes…) et qu’il ne tient qu’aux parents de ne pas s’arrêter à « oui, tu peux regarder des vidéos sur youtube » mais de poser des questions, comme « qu’est ce que tu veux regarder comme vidéo ? ». Idéalement, la question est reposée à la fin de chaque contenu pour que l’utilisateur choisisse les contenus qui l’intéressent (c’est le principe et la magie d’internet par rapport à la télévision) plutôt que de subir des recommandations basées sur le panurgisme humain et les investissements publicitaires.
Sur ce principe, je propose régulièrement à mes enfants des « jeux de piste » numériques qui les obligent à formuler au préalable leurs envies et à apprendre à utiliser un moteur de recherche pour tenir compte des embûches que je sème sur leur chemin (« oui, tu peux écouter cette chanson, mais tu dois trouver un live, ou le morceau, mais sans le clip…).
Le second objectif de parents qui souhaitent s’assurer des bons usages numériques de leurs enfants est tout aussi simple et repose sur la même capacité : poser des questions.
Faire dire pourquoi l’un souhaite s’inscrire sur tel service, leur faire formuler ce qu’ils ont ressenti lors d’une séance de jeux vidéo, les interroger sur ce qu’ils ont préféré dans un film ou un dessin animé : autant de moyens de connaître et comprendre ce que veulent et obtiennent les enfants et de se positionner comme un recours le jour où ils auront besoin d’un accompagnement spécifique.
Ce qui manque, c’est le temps, pas les compétences
Ces attitudes ne demandent aucune compétence particulière, mais peuvent prendre du temps, ce temps que beaucoup de parents (moi y compris, de temps en temps, il faut bien le reconnaître) cherchent à gagner en cédant aux demandes de leurs enfants et en leur fournissant l’écran qu’ils demandent. Il n’est évidemment pas question pour moi de dire ici que chaque interaction enfant / écran devrait systématiquement se faire sous l’égide d’un parent, mais bien de considérer que l’inscription à un service, la découverte d’un nouveau jeu vidéo (…) sont des moments où il est pertinent de consacrer du temps à cette relation enfant / écran / parent pour que la famille puisse en tirer le meilleur sans que le média ne deviennent un obstacle entre les générations, mais bien une interface et, pourquoi pas, un lien.
Le marché du management de l’information décortiqué : #veille, #data et #réseaux sociaux en hausse…
24 juin 2016 3 commentaires
L’étude publiée par SerdaLab m’aurait été fort utile lorsque je me suis attelé à la réalisation de ma propre étude de marché.
Avec les moyens humains et financiers et suffisamment de temps, il semble logique de pouvoir produire ces chiffres qui confirmeront sans doute le sentiment de beaucoup de professionnels du secteur.
Evolution attendue du CA de 8 secteurs du management de l’information. By http://www.serdalab.com/
L’aspect le plus remarquable est pour moi celui qui montre le ralentissement de la dynamique économique de la production de contenus (baisse des CA attendus dans l’audiovisuel, la bibliothèque et la documentation) et que c’est l’hébergement et le traitement de l’information qui seraient désormais les marchés les plus porteurs (hausse des CA attendus pour les spécialités veille, data, réseaux sociaux, dématérialisation).
Peut-on en conclure qu’on y observe l’effet de l’avènement des médias sociaux et des technologies permettant à chacun de produire des contenus rédactionnels et audiovisuels pour un coût marginal proche de zéro ?
Si oui, la question de la collecte et de la qualification d’informations de qualité risque de devenir de plus en plus problématique, sans parler de la nécessaire évolution du modèle économique des médias…
Si non, quelle conclusion en tirer ?
Je suis curieux de connaître vos avis sur cette question…
Source : Infographie : les chiffres clés du marché du management de l’information, évolution et projection sur 2018 | Archimag
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