La #Veille : 70% d’humain et 30% d’informatique

J’ai récemment été contacté par le dirigeant d’une division d’un grand groupe lyonnais (dont je tairai le nom puisque nous n’en sommes, je l’espère, qu’au début de nos échanges) qui souhaitait améliorer et formaliser les processus de veille utilisés pour repérer les opportunités d’affaires, obtenir rapidement les appels d’offres afférents et identifier les contacts à solliciter. Jusqu’à maintenant, ce sont soit des stagiaires, soit des collaborateurs divers qui assuraient cette tâche de façon certes efficace, mais un peu hiératique et sans normalisation des procédures, livrables, etc.

70% humain, 30% informatique

La Veille : 70% humain, 30% informatique

Bien qu’il s’en soit défendu à de nombreuses reprises, mon interlocuteur a une compréhension assez complète des enjeux et processus de veille tels que je les conçoit moi-aussi, puisque c’est lui qui a d’abord prononcé cette phrase qui me sert de titre : « la veille, c’est 70% d’humain et 30% d’informatique ».

Automatiser ou ne pas automatiser, voilà la question…

Si cette affirmation fera sans doute bondir les tenants de l’automatisation de la veille, elle est particulièrement adaptée à la situation, et voilà pourquoi :

Partant d’un listing d’items servant de base aux actions commerciales de la société, le dirigeant m’a ainsi expliqué qu’il souhaitait désormais approfondir et élargir le périmètre d’informations recherchées.
Par approfondir, il entendait obtenir des informations complémentaires pour chaque ligne du tableur : différentes parties prenantes (partenaires, commanditaires, cibles…), contacts pertinents et coordonnées.
Par élargir, il entendait trouver de nouveaux items comparables à ceux déjà répertoriés pour multiplier les opportunités de business.

Pour résumer, et parce que c’est toujours le point de départ d’une stratégie de veille fructueuse, son objectif est d’obtenir un plus grand nombre de leads ou de données permettant d’en générer.
Et pourquoi ces objectifs rendent-ils une forte automatisation difficile ou peu souhaitable ?

La nature des attentes, des activités et des contraintes de la société font que l’essentiel de la tâche concerne la recherche d’informations, plutôt que la veille proprement dite. Les items et données qui leurs sont rattachées sont évidemment à placer sous surveillance afin de ne pas en rater le cheminement et les modifications. Mais le type d’informations dont il s’agit (je ne vous en dirai pas plus) rend ce processus finalement assez peu complexe, la principale difficulté concernant la caractère polyglotte des sources à suivre.

De l’impossibilité de trouver ce que l’on ne cherche pas

En ce qui concerne la volonté d’approfondissement, il est en effet nécessaire d’analyser régulièrement et précisément les informations émises en lien avec chaque item afin d’y déceler de nouveaux éléments utiles : nouveaux intervenants, modification des attributions, évolution des aspirations et des contraintes… Autant d’éléments qui sont donc inconnus jusqu’à ce qu’on les ait trouvés. Ce qui limite grandement les possibilités d’automatisation en amont, puisqu’à ma connaissance, il n’y a pas de solutions qui permettent de surveiller ce que l’on ne recherche pas encore. J’ai un temps utilisé une solution (dont j’ai oublié le nom car je n’en étais pas très satisfait, notamment en raison de l’ergonomie) qui permettait d’extraire d’une page web différents éléments notables : noms propres, mots récurrents, liens, etc. Même avec un outil de ce type, il reste toutefois à qualifier les rôles de chaque intervenant cité, ce qui n’est généralement faisable qu’en prenant connaissance du contenu adjacent. L’approfondissement recherché consiste au final à détecter manuellement de nouveaux éléments à placer sous surveillance, puis à examiner régulièrement les nouvelles occurrences.

Pour l’élargissement, la composante humaine semble encore plus prépondérante, puisqu’il s’agit d’imaginer ou de repérer de nouveaux items, non placés sous surveillance, qui présentent suffisamment de points communs avec ceux déjà suivis pour qu’il soit potentiellement pertinent de déclencher une prospection. A partir de l’activité proprement dite de la société et des critères qu’il est possible de modifier tout en restant dans ses domaines de compétences, il convient donc de rechercher ce qui n’a pas encore été identifié comme des opportunités d’affaires.

Une veille rigoureuse ET créative

La créativité est grande en lui

Créativité et rigueur

Même si je ne prétendrais pas ici maîtriser l’intégralité des outils de recherche avancée des différents moteurs, il ne me semble pas qu’il existe de commande « rechercher quelque chose qui s’apparente à ».
Il s’agit donc de travailler par analogies, rapprochements et en favorisant la pensée latérale : autant de compétences qui ne sont pas les caractéristiques premières d’un outil informatique.

C’est cette capacité à imaginer de nouvelles informations et de nouvelles sources à surveiller qui fait selon moi tout l’intérêt de la profession de veilleur, en faisant de ses praticiens des hybrides de documentalistes rigoureux et de créatifs capables de partir en quête de nouveaux critères improbables, mais, parfois, très performants.

Cela étant dit, je connais des veilleurs qui sont d’excellents pilotes d’outils très complexes mais qui éprouvent de grandes difficultés à imaginer de nouveaux critères de recherche. Il s’agit généralement d’informaticiens brillants, capables de créer un lecteur de flux maison en quelques lignes de code ou d’écrire des algorithmes pour gérer d’immenses bases de données. Ils leur manquent cependant d’après-moi le « sens » de l’information qu’une formation au journalisme et une longue pratique de la veille manuelle m’a permis d’acquérir, en complément de la curiosité et de la mémoire que je m’acharne à conserver et à aiguiser. Si ces veilleurs « technos » font manifestement d’excellents data scientists, ils peuvent éprouver des difficultés lorsqu’il s’agit d’approfondir, mais surtout d’élargir, une stratégie de veille.

À propos Christophe Doré
Consultant et formateur en veille stratégique et communication écrite, coordinateur de l'offre de services, médiateur et formateur pour l'association Fréquence Ecoles.

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